Oeuvres

So früh ? (1993)

Alessandro Solbiati + Biographie

Sept petites pièces pour soprano et ensemble

Le simple et le complexe
Un témoignage sur la musique d'Alessandro Solbiati
 
Alessandro Solbiati est une figure centrale dans le panorama de la musique d’aujourd’hui ; il suffirait d’écouter l’une ou l’autre de ses compositions pour comprendre la portée de sa pensée et la quantité d’interrogations qu’elle soulève. Dans le cadre de la soi-disant musique contemporaine, ainsi définie suite à la profonde déchirure des années cinquante, est-il encore possible de parler de « chant » et de sa conséquente élaboration motivique ? De quelle manière ? Peut-on imaginer la re-création de tensions et de hiérarchies harmoniques en dehors du langage tonal ? Est-il possible de re-contextualiser le concept de rythme sans tomber dans la banalité et la superficialité ?
Est-il nécessaire d’attribuer une énergie vectorielle au parcours formel, afin de rendre perceptible l’arc narratif et d’orienter l’écoute ?
Solbiati, comme d’autres compositeurs de sa génération, s’est mis patiemment à la recherche d’une clé communicative nouvelle, qui vise à la clarté sans renoncer à la complexité, et qui récupère la force de la tradition, à condition de l’aborder avec un sens critique profond. Se méfiant de la spontanéité expressive pure et stérile, qui déclasse le libre arbitre en quelque chose d'arbitraire, il défend vaillamment la liberté du geste créatif, véhiculée par une technique compositionnelle très solide. À ce propos, ma propre rencontre avec Alessandro Solbiati me rappelle toujours la parabole de mon apprentissage de la philosophie. De premier abord, vue comme une matière fumeuse et sibylline, la fréquentation d’un enseignant-clé m’en a fait apprécier la logique, la transparence et la nécessité interne, ainsi que les sommets imaginatifs. J’ai eu la même sensation quand ce personnage curieux, à l’intelligence subtile et à l’optimisme inébranlable, m’a fait part de ses réflexions sur la composition musicale.
La musique de Solbiati nous révèle comment l’élan créatif peut se conjuguer et même se nourrir de rigueur, règles plus ou moins contraignantes, veto auto-imposés et choix souvent draconiens ; car, établissant une fascinante parenté avec le concept de liberté exprimé par Kant dans sa Critique de la raison pratique, devoir et pouvoir sont étroitement liés, générant une dialectique propulsive et féconde.
Une telle rigueur est exprimée par des techniques à caractère génératif et proliférant sur lesquelles je ne vais pas m’attarder, mais qui sont d'une grande importance, quasi « historique », car elles caractérisent l’établissement d’une véritable école italienne qui remonte à Maderna et Donatoni. Non seulement cette logique ne limite pas l’invention, mais elle la ravive et la revivifie ; comme il l’a lui même formulé : « non pas l’absence de règle, mais sa métabolisation absolue qui favorise la liberté expressive de l’artiste », car « la règle génère nécessité, et la nécessité devient beauté ».
Pensée très profonde, et pour moi viatique idéal dans la recherche d’un langage compositionnel personnel. Ainsi, je vous invite à une écoute attentive et curieuse des pièces au programme des concerts de l'HEMU, et à vous laisser guider par les parcours narratifs (oui, narratifs !) tracés avec une extrême clarté et urgence intérieure. Vous retrouverez aussi beaucoup des archétypes imaginatifs qui serpentent dans la production solbiatienne : la propension au chant, la figuralité plastique, le « tendre vers » la plupart des fois « de l’ombre à la lumière », du grave à l’aigu, du chaos à la détermination. En conjuguant une richesse imaginative inépuisable avec une intelligence analytique très fine, Alessandro Solbiati m’a enseigné que le simple et le complexe – ainsi que l’évènement casuel et le raisonnement induit, le choix certain et la situation contradictoire – ne s’opposent pas mais s’intègrent et se nourrissent réciproquement. Je pense par conséquent que le chemin qu’il trace peut se situer à juste titre parmi les « modèles inimitables », comme Donatoni l’a écrit sur Ligeti, c’est-à-dire le témoignage d’une pensée et « l’encouragement à chercher en soi les conditions qui permettent de saisir dans l’inimitable le moment génératif de sa propre inventivité ». (Luca Antignani)

Concerts SMC Lausanne

Lundi 21 Novembre 2016 (Saison 2016-2017)
Ensemble Contemporain de l'HEMU
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