Oeuvres
...von Zeit zu Zeit... (1984)
Klaus Huber + Biographie
pour quatuor à cordes
Dans sa version actuelle, ...von Zeit zu Zeit... […De temps en temps…] a été conçu en 1984 et 1985 ; mais il reprend aussi des esquisses conceptuelles que j’avais toujours remises à plus tard, en particulier parce que ma concentration sur l’oratorio Erniedrigt – Geknechtet – Verlassen – Verachtet (1975/78-83) ne me laissait ni le temps ni la force de m’organiser en vue d’un projet délicat de musique de chambre.
À propos du quatuor à cordes lui-même, je me bornerai à dire que le thème le plus profond de mon travail consistait à explorer la problématique de la structure et de la réception temporelles en musique, et ceci aux niveaux et dans les espaces des plus différenciés.
Dans les esquisses pour cette œuvre, j’ai noté en été 1984 : « Cet effort de saisie n’est pas accessoire mais essentiel. Écarter, étendre les bras – embrasser : voilà l’acte créateur proprement dit. Effort jusqu’à la rupture, à tout instant (possible), à chaque MAINTENANT… Le processus créateur serait-il donc, vu sous cet angle, tout à la fois une ouverture la plus large et une tension ? Serait-ce cela, justement, qui lui conférerait la possibilité d’anticiper quelque chose comme « l’avenir » ? Le travail créatif ne pourrait, ne devrait-il pas dès lors « éclairer par avance » l’être social, dans un sens tout à fait déterminé ? »
Mon idée initiale pour ce quatuor a été l’espace d’un corps sonore imaginaire et dense que je pensais d’abord créer à l’aide des quatre instruments. Mais dès le départ, la limitation de l’espace sonore vers le bas par le do de la corde la plus basse du violoncelle me dérangea. C’est pourquoi je la transformai en l’abaissant au contre-la, ce qui conféra à toute la sonorité du quatuor une nouvelle envergure, pour ainsi dire. On y trouve ainsi la pulsation du temps musical sous forme de vagues à multiples chevauchements.
Après une série d’œuvres dans lesquelles je m’étais concentré sur le développement d’une sémantique structurelle, en particulier concernant le rythme et les hauteurs, je compris qu’il s’agissait de reprendre les choses au départ, d’une certaine façon pré-compositionnellement.
Ceci voulait dire que je devais laisser derrière moi toutes les possibilités développées jusqu’à ce jour de structurer techniquement et de manipuler méthodiquement le temps ; comme si je me déplaçais dans une pénombre qui ne s’éclaircissait que petit à petit. Des vagues de temps à multiples chevauchements et interprétées dans trois horizons temporels distincts donnaient lieu à une pulsation discontinue mais somme toute régulière de durées qui ne sont quasiment jamais identiques et vont du très long au très bref. Cette fluctuation constante, je l’ai mise en musique de façon très variée. Ces vagues traversant l’espace sonore génèrent des structures symétriques qui tendent vers les micro-intervalles, et dévoilent toujours de nouvelles facettes. Le processus entamé traverse toute la pièce, pas à pas. Tout ce qui émerge de nouveau est d’une certaine façon relié à quelque chose de préexistant. De manière associative, des sauts se produisent subitement, comme une irruption de quelque chose de totalement étranger à cette musique qui étouffe et efface la pulsation. Les vagues de temps s’élargissaient de façon concentrique en mon subconscient. À partir d’une « pulsation à la minute » générative (chaque séquence ayant environ la même durée), se créait une « pulsation à l’heure », pour ainsi dire le déroulement de toute une journée, de l’aurore jusqu’à la nuit profonde ; et finalement la pulsation des jours, des mois et des ans : l’étendue d’une vie humaine.
Je dois avouer que je n’ai pas essayé de créer « directement » de la musique dans cette œuvre. Je cherchais plutôt à trouver des métaphores pour ce qui constitue la vie… Pour moi, le processus de la composition, qui amène toujours du nouveau par association, est devenu de plus en plus le symbole de la vie… Ceci peut paraître très présomptueux. Mais devant le champ de tensions entre le manque croissant d’importance de l’art et la commercialisation toujours plus importante des œuvres, il ne reste plus grand-chose d’autre à l’artiste que d’opposer une résistance et de se défendre d’emblée contre la réification de l’œuvre. Il doit se construire une esthétique de la résistance. À la place d’une affirmation de soi et de la perpétuelle représentation de soi, notre création s’est tournée vers les alentours immédiats de domaines existentiels, qui sont tout simplement ceux de la vie et de la mort. Ce que l’on se plaît à nommer « l’essence de l’art » serait donc plus proche de l’énigme, du mystère de l’existence humaine, et très éloigné de catégories telles que l’œuvre d’art ou la valeur marchande. (Klaus Huber)
À propos du quatuor à cordes lui-même, je me bornerai à dire que le thème le plus profond de mon travail consistait à explorer la problématique de la structure et de la réception temporelles en musique, et ceci aux niveaux et dans les espaces des plus différenciés.
Dans les esquisses pour cette œuvre, j’ai noté en été 1984 : « Cet effort de saisie n’est pas accessoire mais essentiel. Écarter, étendre les bras – embrasser : voilà l’acte créateur proprement dit. Effort jusqu’à la rupture, à tout instant (possible), à chaque MAINTENANT… Le processus créateur serait-il donc, vu sous cet angle, tout à la fois une ouverture la plus large et une tension ? Serait-ce cela, justement, qui lui conférerait la possibilité d’anticiper quelque chose comme « l’avenir » ? Le travail créatif ne pourrait, ne devrait-il pas dès lors « éclairer par avance » l’être social, dans un sens tout à fait déterminé ? »
Mon idée initiale pour ce quatuor a été l’espace d’un corps sonore imaginaire et dense que je pensais d’abord créer à l’aide des quatre instruments. Mais dès le départ, la limitation de l’espace sonore vers le bas par le do de la corde la plus basse du violoncelle me dérangea. C’est pourquoi je la transformai en l’abaissant au contre-la, ce qui conféra à toute la sonorité du quatuor une nouvelle envergure, pour ainsi dire. On y trouve ainsi la pulsation du temps musical sous forme de vagues à multiples chevauchements.
Après une série d’œuvres dans lesquelles je m’étais concentré sur le développement d’une sémantique structurelle, en particulier concernant le rythme et les hauteurs, je compris qu’il s’agissait de reprendre les choses au départ, d’une certaine façon pré-compositionnellement.
Ceci voulait dire que je devais laisser derrière moi toutes les possibilités développées jusqu’à ce jour de structurer techniquement et de manipuler méthodiquement le temps ; comme si je me déplaçais dans une pénombre qui ne s’éclaircissait que petit à petit. Des vagues de temps à multiples chevauchements et interprétées dans trois horizons temporels distincts donnaient lieu à une pulsation discontinue mais somme toute régulière de durées qui ne sont quasiment jamais identiques et vont du très long au très bref. Cette fluctuation constante, je l’ai mise en musique de façon très variée. Ces vagues traversant l’espace sonore génèrent des structures symétriques qui tendent vers les micro-intervalles, et dévoilent toujours de nouvelles facettes. Le processus entamé traverse toute la pièce, pas à pas. Tout ce qui émerge de nouveau est d’une certaine façon relié à quelque chose de préexistant. De manière associative, des sauts se produisent subitement, comme une irruption de quelque chose de totalement étranger à cette musique qui étouffe et efface la pulsation. Les vagues de temps s’élargissaient de façon concentrique en mon subconscient. À partir d’une « pulsation à la minute » générative (chaque séquence ayant environ la même durée), se créait une « pulsation à l’heure », pour ainsi dire le déroulement de toute une journée, de l’aurore jusqu’à la nuit profonde ; et finalement la pulsation des jours, des mois et des ans : l’étendue d’une vie humaine.
Je dois avouer que je n’ai pas essayé de créer « directement » de la musique dans cette œuvre. Je cherchais plutôt à trouver des métaphores pour ce qui constitue la vie… Pour moi, le processus de la composition, qui amène toujours du nouveau par association, est devenu de plus en plus le symbole de la vie… Ceci peut paraître très présomptueux. Mais devant le champ de tensions entre le manque croissant d’importance de l’art et la commercialisation toujours plus importante des œuvres, il ne reste plus grand-chose d’autre à l’artiste que d’opposer une résistance et de se défendre d’emblée contre la réification de l’œuvre. Il doit se construire une esthétique de la résistance. À la place d’une affirmation de soi et de la perpétuelle représentation de soi, notre création s’est tournée vers les alentours immédiats de domaines existentiels, qui sont tout simplement ceux de la vie et de la mort. Ce que l’on se plaît à nommer « l’essence de l’art » serait donc plus proche de l’énigme, du mystère de l’existence humaine, et très éloigné de catégories telles que l’œuvre d’art ou la valeur marchande. (Klaus Huber)
Concerts SMC Lausanne
Lundi 24 Novembre 2014 (Saison 2014-2015)
Ensemble Contemporain de l'HEMU & Quatuor G3
+ Programme complet
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