Oeuvres
L'Oracle de Nicosia (2016)
Evis Sammoutis + Biographie
pour soprano et contrebasse
L’œuvre d’Evis Sammoutis est bâtie sur un texte de Dorian Astor. Leurs inspirations se situent à la croisée de plusieurs chemins.
Tout d’abord, il y a la fascination de l’auteur pour l’ésotérisme grec. Tout particulièrement le point de passage de la parole divine par la bouche de l’oracle et le fantasme du son que ferait résonner une telle langue.
Cette influence antique est recoupée par l’histoire réelle et moderne d’un lieu hors du temps : l’aéroport abandonné de Nicosie coincé sur un territoire divisé que se disputèrent Chypre et la Turquie, aujourd’hui sous contrôle des Nations Unies. Toutefois, plus rien ne régit ces espaces. Seuls l’usure et le délabrement donnent à ce non-lieu une forme de mythe moderne. Les gigantesques salles d’attentes conservent religieusement les fientes qui s’amoncellent mollement sur le skaï déchu des fauteuils. Les oiseaux, affranchis des oracles et nouveau maîtres des lieux, ricanent joyeusement devant des carcasses de leurs congénères métalliques.
Le Théore (1) d’Europe
« ∑(2) » ...
Europe m’envoie.
Suppliant ta bouche d’ombre.
Oracle de Nicosia, parle l’énigme du dieu oblique(3).
Prêtres bleus. Armées invisibles.
Hélios(4) crevasse les pistes perdues.
Des oiseaux atterrés piquent au flanc de leur frère de métal.
L’air mort sème poussière sur le marbre d’attente.
Le ciel suspendu au palais de nos spectres.
Au mouroir de nos voix.
Plafond de silence.
Néant débarqué.
Tout est divisé.
Oracle, parle : l’Un vient-il ?
Silence.
Cri du Messager, qui a une vision : O popoi(5) ! De la bouche, mille langues. De l’œil, mille regards. De la piste, mille plantes. O popoi. La limite coule dans les fissures. Flux de sable, procession de chenilles, banc de migrateurs. L’ossuaire est une meute. Désert peuplé. Le dieu s’écartèle. O popoi.
Silence.
L’Oracle de Nicosie
Fils d’Europe, aveugle théore !
Ecoute le silence de Loxias :
Un dehors, un dedans, une blessure entre les deux.
Mais Zagreus(6) est toujours plus de deux. (Dorian Astor)
[1] Théore : dans la Grèce antique, envoyé officiel d’une cité pour recueillir un oracle.
[2] Epsilon majuscule, inscrit au fronton du temple de Delphes, que Plutarque interprète comme « Tu es », proclamation de l’éternité du Dieu. Le théore prononce cette lettre un peu comme au début des Lamentations de Jérémie.
[3] Oblique : épithète d’Apollon (Loxias), dans le sens d’obscur.
[4] Personnification du soleil, progressivement assimilé à Apollon.
[5] ὢ πόποι : cri de lamentation dans les tragédies grecques.
[6] Le dieu Zagreus, souvent identifié au Dionysos archaïque, fut dilacéré par les Titans avant de ressusciter.
Tout d’abord, il y a la fascination de l’auteur pour l’ésotérisme grec. Tout particulièrement le point de passage de la parole divine par la bouche de l’oracle et le fantasme du son que ferait résonner une telle langue.
Cette influence antique est recoupée par l’histoire réelle et moderne d’un lieu hors du temps : l’aéroport abandonné de Nicosie coincé sur un territoire divisé que se disputèrent Chypre et la Turquie, aujourd’hui sous contrôle des Nations Unies. Toutefois, plus rien ne régit ces espaces. Seuls l’usure et le délabrement donnent à ce non-lieu une forme de mythe moderne. Les gigantesques salles d’attentes conservent religieusement les fientes qui s’amoncellent mollement sur le skaï déchu des fauteuils. Les oiseaux, affranchis des oracles et nouveau maîtres des lieux, ricanent joyeusement devant des carcasses de leurs congénères métalliques.
Le Théore (1) d’Europe
« ∑(2) » ...
Europe m’envoie.
Suppliant ta bouche d’ombre.
Oracle de Nicosia, parle l’énigme du dieu oblique(3).
Prêtres bleus. Armées invisibles.
Hélios(4) crevasse les pistes perdues.
Des oiseaux atterrés piquent au flanc de leur frère de métal.
L’air mort sème poussière sur le marbre d’attente.
Le ciel suspendu au palais de nos spectres.
Au mouroir de nos voix.
Plafond de silence.
Néant débarqué.
Tout est divisé.
Oracle, parle : l’Un vient-il ?
Silence.
Cri du Messager, qui a une vision : O popoi(5) ! De la bouche, mille langues. De l’œil, mille regards. De la piste, mille plantes. O popoi. La limite coule dans les fissures. Flux de sable, procession de chenilles, banc de migrateurs. L’ossuaire est une meute. Désert peuplé. Le dieu s’écartèle. O popoi.
Silence.
L’Oracle de Nicosie
Fils d’Europe, aveugle théore !
Ecoute le silence de Loxias :
Un dehors, un dedans, une blessure entre les deux.
Mais Zagreus(6) est toujours plus de deux. (Dorian Astor)
[1] Théore : dans la Grèce antique, envoyé officiel d’une cité pour recueillir un oracle.
[2] Epsilon majuscule, inscrit au fronton du temple de Delphes, que Plutarque interprète comme « Tu es », proclamation de l’éternité du Dieu. Le théore prononce cette lettre un peu comme au début des Lamentations de Jérémie.
[3] Oblique : épithète d’Apollon (Loxias), dans le sens d’obscur.
[4] Personnification du soleil, progressivement assimilé à Apollon.
[5] ὢ πόποι : cri de lamentation dans les tragédies grecques.
[6] Le dieu Zagreus, souvent identifié au Dionysos archaïque, fut dilacéré par les Titans avant de ressusciter.
Concerts SMC Lausanne
Lundi 18 Décembre 2017 (Saison 2017-2018)
Duo Hélène Fauchère et Uli Fussenegger
+ Programme complet
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