Oeuvres
Stimmung (1968)
Karlheinz Stockhausen + Biographie
version Paris pour 6 vocalistes
Feu de camp hippie pour l’éros et le sacré
« Ma foi est au plus profond de moi depuis que je peux penser. Je suis en quête de Dieu et je suis un enfant de Dieu. Mes proches étaient, pour la plupart, non croyants. J’étais tout différent, je me suis isolé et ne me suis plus jamais identifié aux contingences de cette planète. Je sais que je suis en visite ».
Chez Stockhausen, le lyrisme le plus exalté côtoie aussi bien la pensée Zen que l’humour. Cette volonté de totalité est indissociable de la préoccupation perpétuelle d’une forme nouvelle de Musica Universalis. Nouvelle car le second vingtième a besoin de rupture et d’inédit. Reforgée d’après Monophonie – pièces inachevée au début des années soixante – Stimmung est sans conteste le reflet de cette obsession.
Le Collegium Vocale de Cologne travailla pendant six mois sur la partition de Stimmung avant de pouvoir enfin apprivoiser l’œuvre. Cette incantation d’environ soixante-dix minutes repose entièrement sur le spectre harmonique d’un si bémol qui en est la note fondamentale.
Les chanteurs sont disposés en cercle. Les bouches lentement se déforment. Les phonèmes naissent à l’espace. Les voyelles se succèdent. Les voix glissent d’un timbre à l’autre : les harmoniques élaborées d’après des règles statistiques apparaissent et constamment se transforment.
La partition est un schéma formel qui tient sur une seule feuille. Au premier abord on pense aux plans sibyllins d’une cathédrale. Ensuite, on saisit les trajectoires sonores, le champ des possibles. L’œuvre est ouverte. Un cadre événementiel strict y est défini afin que l’intuition de l’interprète y soit canalisée. Comme une prière.
Au schéma principal viennent se rajouter d’autres pages, appelées « modèles », qui contiennent des informations supplémentaires. Certains d’entre eux intègrent des cris d’animaux (de cheval ou de vache) mais également la prononciation des jours de la semaine dans différentes langues qui préfigurent les sept jours de sa pièce Licht.
« Les 51 modèles peuvent se suivre dans n’importe quel ordre, mais en suivant mon schéma formel. À chaque fois, j’ai déterminé qui des 6 chanteurs sera le leader, et c’est lui qui introduit le modèle qu’il doit choisir parmi les 8 ou 9 dont il dispose. Mais le caractère des modèles peut se modifier, suivant le contexte, selon ce qui a été fait du modèle précédent. […] Tout dépend de l’ordre des modèles. Mais une fois que l’ordre a été choisi, pour tel ou tel concert, toutes les instructions doivent être suivies, et toutes mes œuvres sont comme cela ».
Le processus est un mécanisme commun à toutes prières, à tous rituels. Stimmung n’échappe pas à cette considération. La disposition en cercle, symptomatique des rites les plus anciens invoque immédiatement la communion, l’invocation du sacré qui, par le son, prend corps.
De loin en loin, les chanteurs prononcent également les noms de divinités du monde entier : persanes, hittites, égyptiennes, aztèques, polynésiennes, esquimaudes. Leur soudaine présence fuse dans l’espace du concert qui semble s’élargir, tout comme celui de nos consciences. Dans Stimmung, le divin se confond avec l’éros. Sans toutefois écarter les religions occidentales qu’il connaît parfaitement, Stockhausen est fortement influencé par les spiritualités extrême-orientales qui recherchent l’accord du corps et de l’esprit : Stimmung [accord] et une quête dudit accord entre toutes choses, bannissant les séparations et les tabous – ceux de la sexualité en première ligne : « La sublimation de la vie sexuelle introduite dans la technique du salut a renouvelé et amplifié celle-ci. Bien avant les découvertes de la psychanalyse, c’était constater implicitement combien le refoulement d’une force aussi puissante que l’instinct sexuel pouvait devenir désastreux. Mieux valait la mettre en évidence dans sa dimension cosmique et sacrée ».
Stockhausen est convaincu que l’humanité vit une période charnière, une transformation propre au XXe siècle qui vient des profondeurs de l’inconscient collectif et qui se manifeste par l’avènement des sciences et des recherches sur la psyché humaine. Son avant-gardisme vient avant tout de la perception et de l’acceptation de cet état de fait qui infusent sa vision créatrice. ( Luc Birraux, dramaturge)
Références et citations
COTT Jonathan, op. cit., p.27.
KURTZ Michael, Lichtblicke, interview avec Stockhausen, inédite, 24, Janvier 1981. NT.
Le bouddhisme « tantrique » indo-tibétain, Paris, Librairie Vrin, 1973, p.125.
RIGONI Michel, Stockhausen ...un vaisseau lancé vers le ciel. Millénaire III, 1998.
STOCKHAUSEN Karlheinz, Texte IV, Cologne, DuMont-Burchverlag, p.376. NT.
TANNENBAUM Mya, op.cit., pp2-3. NT.
« Ma foi est au plus profond de moi depuis que je peux penser. Je suis en quête de Dieu et je suis un enfant de Dieu. Mes proches étaient, pour la plupart, non croyants. J’étais tout différent, je me suis isolé et ne me suis plus jamais identifié aux contingences de cette planète. Je sais que je suis en visite ».
Chez Stockhausen, le lyrisme le plus exalté côtoie aussi bien la pensée Zen que l’humour. Cette volonté de totalité est indissociable de la préoccupation perpétuelle d’une forme nouvelle de Musica Universalis. Nouvelle car le second vingtième a besoin de rupture et d’inédit. Reforgée d’après Monophonie – pièces inachevée au début des années soixante – Stimmung est sans conteste le reflet de cette obsession.
Le Collegium Vocale de Cologne travailla pendant six mois sur la partition de Stimmung avant de pouvoir enfin apprivoiser l’œuvre. Cette incantation d’environ soixante-dix minutes repose entièrement sur le spectre harmonique d’un si bémol qui en est la note fondamentale.
Les chanteurs sont disposés en cercle. Les bouches lentement se déforment. Les phonèmes naissent à l’espace. Les voyelles se succèdent. Les voix glissent d’un timbre à l’autre : les harmoniques élaborées d’après des règles statistiques apparaissent et constamment se transforment.
La partition est un schéma formel qui tient sur une seule feuille. Au premier abord on pense aux plans sibyllins d’une cathédrale. Ensuite, on saisit les trajectoires sonores, le champ des possibles. L’œuvre est ouverte. Un cadre événementiel strict y est défini afin que l’intuition de l’interprète y soit canalisée. Comme une prière.
Au schéma principal viennent se rajouter d’autres pages, appelées « modèles », qui contiennent des informations supplémentaires. Certains d’entre eux intègrent des cris d’animaux (de cheval ou de vache) mais également la prononciation des jours de la semaine dans différentes langues qui préfigurent les sept jours de sa pièce Licht.
« Les 51 modèles peuvent se suivre dans n’importe quel ordre, mais en suivant mon schéma formel. À chaque fois, j’ai déterminé qui des 6 chanteurs sera le leader, et c’est lui qui introduit le modèle qu’il doit choisir parmi les 8 ou 9 dont il dispose. Mais le caractère des modèles peut se modifier, suivant le contexte, selon ce qui a été fait du modèle précédent. […] Tout dépend de l’ordre des modèles. Mais une fois que l’ordre a été choisi, pour tel ou tel concert, toutes les instructions doivent être suivies, et toutes mes œuvres sont comme cela ».
Le processus est un mécanisme commun à toutes prières, à tous rituels. Stimmung n’échappe pas à cette considération. La disposition en cercle, symptomatique des rites les plus anciens invoque immédiatement la communion, l’invocation du sacré qui, par le son, prend corps.
De loin en loin, les chanteurs prononcent également les noms de divinités du monde entier : persanes, hittites, égyptiennes, aztèques, polynésiennes, esquimaudes. Leur soudaine présence fuse dans l’espace du concert qui semble s’élargir, tout comme celui de nos consciences. Dans Stimmung, le divin se confond avec l’éros. Sans toutefois écarter les religions occidentales qu’il connaît parfaitement, Stockhausen est fortement influencé par les spiritualités extrême-orientales qui recherchent l’accord du corps et de l’esprit : Stimmung [accord] et une quête dudit accord entre toutes choses, bannissant les séparations et les tabous – ceux de la sexualité en première ligne : « La sublimation de la vie sexuelle introduite dans la technique du salut a renouvelé et amplifié celle-ci. Bien avant les découvertes de la psychanalyse, c’était constater implicitement combien le refoulement d’une force aussi puissante que l’instinct sexuel pouvait devenir désastreux. Mieux valait la mettre en évidence dans sa dimension cosmique et sacrée ».
Stockhausen est convaincu que l’humanité vit une période charnière, une transformation propre au XXe siècle qui vient des profondeurs de l’inconscient collectif et qui se manifeste par l’avènement des sciences et des recherches sur la psyché humaine. Son avant-gardisme vient avant tout de la perception et de l’acceptation de cet état de fait qui infusent sa vision créatrice. ( Luc Birraux, dramaturge)
Références et citations
COTT Jonathan, op. cit., p.27.
KURTZ Michael, Lichtblicke, interview avec Stockhausen, inédite, 24, Janvier 1981. NT.
Le bouddhisme « tantrique » indo-tibétain, Paris, Librairie Vrin, 1973, p.125.
RIGONI Michel, Stockhausen ...un vaisseau lancé vers le ciel. Millénaire III, 1998.
STOCKHAUSEN Karlheinz, Texte IV, Cologne, DuMont-Burchverlag, p.376. NT.
TANNENBAUM Mya, op.cit., pp2-3. NT.
Concerts SMC Lausanne
Lundi 03 Décembre 2018 (Saison 2018-2019)
Ensemble SoloVoices
+ Programme complet
+ Programme complet