Oeuvres
Membra Jesu Nostri (1680)
Dietrich Buxtehude + Biographie
Membra Jesu nostri (1680)
Lübeck, 1680 : cela fait douze ans que Buxtehude tient l’orgue de la Marienkirche, alors l’un des postes les plus prestigieux du nord de l’Allemagne. Il avait succédé à Franz Tunder (épousant sa fille dans le même temps !) et continué la tradition des Abendmusiken, concerts pour les cinq dimanches précédant Noël. Fort de leur succès, il est au sommet de sa gloire.
C’est peut-être dans ce cadre qu’il crée ce cycle composé de sept cantates autour de la souffrance du Christ sur la croix. Il dédie cette pièce « amico plurimum honorando », à un ami pleinement digne de mérite. Il s’agit de Gustav Düben (1624-90), alors maître de chapelle à la cour de Suède. Le soin que ce dernier prit à faire copier la partition fut essentiel pour la conservation de l’œuvre. Aujourd’hui, la Bibliothèque d’Uppsala, au nord de Stockholm, contient une majorité de témoins uniques de l’œuvre de Buxtehude.
Ce n’est guère étonnant que le compositeur ait entretenu des liens avec la puissance « d’à côté » : Stockholm et Lübeck attestent d’échanges commerciaux dès le XIIIe siècle ! C’est justement de cette époque que date le texte des airs ; Arnulf de Louvain (c. 1200- c. 1250), un moine cistercien, serait très probablement l’auteur des trois demi-strophes de chaque section. Quant au texte des chœurs, il est extrait de l’Ancien Testament. De la centaine de cantates signées par Buxtehude, il s’agit de la seule qui ne soit pas en allemand.
L’œuvre présente une mise en abyme du regard du spectateur de la Passion face au Christ en croix. De bas en haut, on suit le blason des membres souffrants : les pieds (I. Ad pedes), les genoux (II. Ad genua), les mains (III. Ad manus), le flanc (IV. Ad latus), la poitrine (V. Ad pectus), le cœur (VI. Ad cor) et le visage (VII. Ad faciem). De manière similaire, Buxtehude fait succéder les tonalités de la plus sombre (do mineur) à la plus claire (mi mineur) avant de retourner dans le ton d’origine. Le tout se termine dans un acrobatique Amen fugué.
Chaque section est structurée de manière quasi-similaire, calquée sur le modèle de la cantate concerto-aria. À une sonate instrumentale succède un chœur, auquel s’enchaîne trois airs, avant de conclure par une reprise du chœur. La symbolique des chiffres (sept plaies, trois strophes) est au cœur de la composition de Buxtehude : il a d’ailleurs ajouté deux blessures aux cinq habituelles !
Vingt-ans plus tard, en 1705, le jeune Johann Sebastian Bach effectuera l’aller-retour à Lübeck depuis Arnstadt – soit près de 400 kilomètres – pour étudier auprès du vieux Buxtehude. Parti pour quatre semaines, son absence durera quatre fois plus longtemps ! Le génie débordant du maître dans « l’art de l’orgue » eut sans conteste une influence sur le caractère des toccatas du disciple, empreintes de stylus phantasticus.
Rédaction de la notice : Christophe Bitar
- Ad pedes. Ecce super montes
- Ad genua. Ad uber portabimini
- Ad manus. Quid sunt plagae istae
- Ad latus. Surge amica mea
- Ad pectus. Sicut modo geniti infantes
- Ad cor. Vulnerasti cor meum
- Ad faciem. Illustra faciem tuam
Lübeck, 1680 : cela fait douze ans que Buxtehude tient l’orgue de la Marienkirche, alors l’un des postes les plus prestigieux du nord de l’Allemagne. Il avait succédé à Franz Tunder (épousant sa fille dans le même temps !) et continué la tradition des Abendmusiken, concerts pour les cinq dimanches précédant Noël. Fort de leur succès, il est au sommet de sa gloire.
C’est peut-être dans ce cadre qu’il crée ce cycle composé de sept cantates autour de la souffrance du Christ sur la croix. Il dédie cette pièce « amico plurimum honorando », à un ami pleinement digne de mérite. Il s’agit de Gustav Düben (1624-90), alors maître de chapelle à la cour de Suède. Le soin que ce dernier prit à faire copier la partition fut essentiel pour la conservation de l’œuvre. Aujourd’hui, la Bibliothèque d’Uppsala, au nord de Stockholm, contient une majorité de témoins uniques de l’œuvre de Buxtehude.
Ce n’est guère étonnant que le compositeur ait entretenu des liens avec la puissance « d’à côté » : Stockholm et Lübeck attestent d’échanges commerciaux dès le XIIIe siècle ! C’est justement de cette époque que date le texte des airs ; Arnulf de Louvain (c. 1200- c. 1250), un moine cistercien, serait très probablement l’auteur des trois demi-strophes de chaque section. Quant au texte des chœurs, il est extrait de l’Ancien Testament. De la centaine de cantates signées par Buxtehude, il s’agit de la seule qui ne soit pas en allemand.
L’œuvre présente une mise en abyme du regard du spectateur de la Passion face au Christ en croix. De bas en haut, on suit le blason des membres souffrants : les pieds (I. Ad pedes), les genoux (II. Ad genua), les mains (III. Ad manus), le flanc (IV. Ad latus), la poitrine (V. Ad pectus), le cœur (VI. Ad cor) et le visage (VII. Ad faciem). De manière similaire, Buxtehude fait succéder les tonalités de la plus sombre (do mineur) à la plus claire (mi mineur) avant de retourner dans le ton d’origine. Le tout se termine dans un acrobatique Amen fugué.
Chaque section est structurée de manière quasi-similaire, calquée sur le modèle de la cantate concerto-aria. À une sonate instrumentale succède un chœur, auquel s’enchaîne trois airs, avant de conclure par une reprise du chœur. La symbolique des chiffres (sept plaies, trois strophes) est au cœur de la composition de Buxtehude : il a d’ailleurs ajouté deux blessures aux cinq habituelles !
Vingt-ans plus tard, en 1705, le jeune Johann Sebastian Bach effectuera l’aller-retour à Lübeck depuis Arnstadt – soit près de 400 kilomètres – pour étudier auprès du vieux Buxtehude. Parti pour quatre semaines, son absence durera quatre fois plus longtemps ! Le génie débordant du maître dans « l’art de l’orgue » eut sans conteste une influence sur le caractère des toccatas du disciple, empreintes de stylus phantasticus.
Rédaction de la notice : Christophe Bitar
Concerts SMC Lausanne
Lundi 18 Octobre 2021 (Saison 2021-2022)
Gli Angeli Genève & Ensemble Contrechamps
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