Oeuvres
Memento : un livre des matières (2019 - 2023)
Jérôme Combier + Biographie
pour ensemble et électronique
Jérôme Combier, Memento : un livre des matières, pour ensembles de chambre et électronique (2019-2023)
Dans un cycle immersif où matières et matériaux se côtoient, Jérôme Combier instaure une performance aux allures de rituel et sur l’autel duquel prennent place des percussions atypiques, aux mains d’un percussionniste-performer. Autour gravitent d’autres instrumentistes qui assurent, à la manière de chambristes, les différentes étapes du parcours. En jouant sur le mélange aigre-doux entre le brut et le façonné, ce livre des matières offre des réponses pour, de simples éléments, faire musique.
Le travail compositionnel de Jérôme Combier trouve un appui dans les travaux plastiques de Jannis Kounellis, Giuseppe Penone ou encore Claudio Parmiggiani, représentants du mouvement de l’Arte povera. Emergeant en Italie dès les années 1960 en réaction à une société consumériste, ce courant artistique se concentre sur des matériaux simples, récupérés ou naturels, mettant par exemple à l’honneur le chiffon ou le galet. Leur objectif de déceler puis de révéler le potentiel que recèlent des matières a priori banales ou brutes converge avec le travail musical de Combier. Comment le geste artistique se mêle-t-il au matériau naturel définitivement brut ? Dans quel espace nature et art se rejoignent-ils ? Les trouvailles de son propos musical se nichent dans « l’écart » qui sépare ces deux mondes, entre le phénomène et la transformation. Le compositeur apprécie particulièrement l’hybridité de ces mélanges, des entre-deux « à mi-chemin entre la sculpture et l’installation, la performance et la peinture, la scénographie et l’accrochage. »
Son cycle Memento : un livre des matières rassemble des pièces composées entre 2019 et 2020. En guise d’ouverture, Fumo di pietra fait référence à un cycle lithographique de Kounellis datant de 1992. Cette pièce pour flûte, clarinette, violoncelle et piano s’inspire des sombres « totems, mi-animaux, mi-humains » du plasticien grec et son écriture reprend le caractère abstrait de ces figures. Elle juxtapose des gestes musicaux clairs avec une batterie de sons de « matériaux implicites », questionnant ainsi la manière de faire de la musique à partir de ces sonorités simples.
Le ombre delle cose, composée à l’occasion du Festival Henri Dutilleux, associe les battements des anches d’un accordéon micro-tonal avec les frappes col legno des cordes. Frénétique et onirique, la pièce travaille sur différents types de textures, plus ou moins sophistiquées, qu’offre ce quatuor. Quant à Luce e polvere(« lumière et poussière »), elle joue sur l’alternance entre de venteux sifflements et de fébriles rais de lumière, nouvelle expression du mélange entre le sauvage et l’apprivoisé.
Parmi ses matériaux-instruments, il convoque des éléments venus de la nature (chardons secs, bogues de châtaigne, fleurs de cerisiers séchées ou encore écorces de pin) et des stigmates de l’activité humaine (des têtes de haches, trois douilles d’obus de la Grande Guerre, des briques, des pots de confiture). Cet instrumentarium atypique lui permet, grâce à des micros de contact, d’arrimer à sa composition les crépitements subreptices de ces matières mises en frottement, avant de les amplifier par le biais de haut-parleurs.
Dans Lamiere (« feuilles »), les haut-parleurs mettent également en vibration de grandes plaques à tonnerre, qui rappellent les plaques de métal des œuvres de Kounellis. Pour le public, elles ajoutent une dimension véritablement physique par les vibrations qu’elles produisent. Le travail de création physique des sons se trouve même dans les intitulés des pièces. En effet, en mêlant des titres de langues différentes (italien et anglais), Jérôme Combier exploite aussi les différentes rugosités linguistiques et des évocations physiques différentes, en termes de sonorités et d’imaginaires.
Chacun des trois intermèdes (Musica povera) offre une place de choix à un type de matériau spécifique, d’abord les végétaux, puis les minéraux, le sable et le verre enfin. Ces différents interludes infusent peu à peu dans la musique. Le choix des matériaux de sa composition rappelle des œuvres de Richard Long, représentant du land art. Les pièces Slate circle et Waterlines lui sont par ailleurs dédiées. Ces deux dernières pièces du cycle sont dirigées et exploitent l’entier de l’effectif.
Memento se veut un périple immersif, tant par ses jeux de spatialisation que sa recherche de sons insoupçonnés qui garnissent le paysage. « L’espace de la salle de concert devient ainsi l’évocation d’un autre lieu, un espace dénaturé. » Le placement des instrumentistes sur différents « ilots » tout autour du public renforce son sentiment de faire corps avec une performance qui, sous la direction attentive du performeur central (le « maître de cérémonie »), se déroule sous nos yeux. Jérôme Combier voit aussi dans Memento la continuité résurgente de son cycle Vies silencieuses (2006), dans lequel il faisait coexister performance musicale et performance picturale, dans un dialogue des arts. C’est un mélange similaire qu’il envisage dans ce cycle, où la mise en espace ainsi que la transformation de matériaux simples ont une importance capitale.
Texte par Christophe Bitar
Dans un cycle immersif où matières et matériaux se côtoient, Jérôme Combier instaure une performance aux allures de rituel et sur l’autel duquel prennent place des percussions atypiques, aux mains d’un percussionniste-performer. Autour gravitent d’autres instrumentistes qui assurent, à la manière de chambristes, les différentes étapes du parcours. En jouant sur le mélange aigre-doux entre le brut et le façonné, ce livre des matières offre des réponses pour, de simples éléments, faire musique.
Le travail compositionnel de Jérôme Combier trouve un appui dans les travaux plastiques de Jannis Kounellis, Giuseppe Penone ou encore Claudio Parmiggiani, représentants du mouvement de l’Arte povera. Emergeant en Italie dès les années 1960 en réaction à une société consumériste, ce courant artistique se concentre sur des matériaux simples, récupérés ou naturels, mettant par exemple à l’honneur le chiffon ou le galet. Leur objectif de déceler puis de révéler le potentiel que recèlent des matières a priori banales ou brutes converge avec le travail musical de Combier. Comment le geste artistique se mêle-t-il au matériau naturel définitivement brut ? Dans quel espace nature et art se rejoignent-ils ? Les trouvailles de son propos musical se nichent dans « l’écart » qui sépare ces deux mondes, entre le phénomène et la transformation. Le compositeur apprécie particulièrement l’hybridité de ces mélanges, des entre-deux « à mi-chemin entre la sculpture et l’installation, la performance et la peinture, la scénographie et l’accrochage. »
Son cycle Memento : un livre des matières rassemble des pièces composées entre 2019 et 2020. En guise d’ouverture, Fumo di pietra fait référence à un cycle lithographique de Kounellis datant de 1992. Cette pièce pour flûte, clarinette, violoncelle et piano s’inspire des sombres « totems, mi-animaux, mi-humains » du plasticien grec et son écriture reprend le caractère abstrait de ces figures. Elle juxtapose des gestes musicaux clairs avec une batterie de sons de « matériaux implicites », questionnant ainsi la manière de faire de la musique à partir de ces sonorités simples.
Le ombre delle cose, composée à l’occasion du Festival Henri Dutilleux, associe les battements des anches d’un accordéon micro-tonal avec les frappes col legno des cordes. Frénétique et onirique, la pièce travaille sur différents types de textures, plus ou moins sophistiquées, qu’offre ce quatuor. Quant à Luce e polvere(« lumière et poussière »), elle joue sur l’alternance entre de venteux sifflements et de fébriles rais de lumière, nouvelle expression du mélange entre le sauvage et l’apprivoisé.
Parmi ses matériaux-instruments, il convoque des éléments venus de la nature (chardons secs, bogues de châtaigne, fleurs de cerisiers séchées ou encore écorces de pin) et des stigmates de l’activité humaine (des têtes de haches, trois douilles d’obus de la Grande Guerre, des briques, des pots de confiture). Cet instrumentarium atypique lui permet, grâce à des micros de contact, d’arrimer à sa composition les crépitements subreptices de ces matières mises en frottement, avant de les amplifier par le biais de haut-parleurs.
Dans Lamiere (« feuilles »), les haut-parleurs mettent également en vibration de grandes plaques à tonnerre, qui rappellent les plaques de métal des œuvres de Kounellis. Pour le public, elles ajoutent une dimension véritablement physique par les vibrations qu’elles produisent. Le travail de création physique des sons se trouve même dans les intitulés des pièces. En effet, en mêlant des titres de langues différentes (italien et anglais), Jérôme Combier exploite aussi les différentes rugosités linguistiques et des évocations physiques différentes, en termes de sonorités et d’imaginaires.
Chacun des trois intermèdes (Musica povera) offre une place de choix à un type de matériau spécifique, d’abord les végétaux, puis les minéraux, le sable et le verre enfin. Ces différents interludes infusent peu à peu dans la musique. Le choix des matériaux de sa composition rappelle des œuvres de Richard Long, représentant du land art. Les pièces Slate circle et Waterlines lui sont par ailleurs dédiées. Ces deux dernières pièces du cycle sont dirigées et exploitent l’entier de l’effectif.
Memento se veut un périple immersif, tant par ses jeux de spatialisation que sa recherche de sons insoupçonnés qui garnissent le paysage. « L’espace de la salle de concert devient ainsi l’évocation d’un autre lieu, un espace dénaturé. » Le placement des instrumentistes sur différents « ilots » tout autour du public renforce son sentiment de faire corps avec une performance qui, sous la direction attentive du performeur central (le « maître de cérémonie »), se déroule sous nos yeux. Jérôme Combier voit aussi dans Memento la continuité résurgente de son cycle Vies silencieuses (2006), dans lequel il faisait coexister performance musicale et performance picturale, dans un dialogue des arts. C’est un mélange similaire qu’il envisage dans ce cycle, où la mise en espace ainsi que la transformation de matériaux simples ont une importance capitale.
Texte par Christophe Bitar
Concerts SMC Lausanne
Lundi 07 Octobre 2024 (Saison 2024-2025)
Ensemble Cairn
+ Programme complet
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