So schnell, zu früh (1993)

Frédéric Durieux dédie sa partition à son ami Dominique Bagouet (1951-1992), danseur et chorégraphe français, qui collabora avec plusieurs compositeurs, notamment Murail et Dusapin, dans l’optique de mêler plus profondément l’art de la chorégraphie à celui de la musique. Se remémorant leur amitié, il cite à côté de sa dédicace un extrait des Essais de Montaigne, alors qu’il se souvient de son ami Etienne de la Boétie : 
« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes l’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle elles se mêlent et se confondent l’une en l’autre, d’un mélange universel, qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
Comme hommage à Bagouet, il reprendra le titre de son ballet créé en 1990, So schnell – pièce qui rentrera au répertoire de l’Opéra de Paris en 2020. Pour le reste, il emprunte à J.S. Bach le texte de la cantate BWV 26 « Ach wie flüchtig, ach wie nichtig » (1724). La partition enchaîne huit sections où s’alternent les parties vocales et instrumentales. A partir du choc initial, la pièce évolue de manière linéaire, dans la recherche d’un « devenir infini » où la spatialisation permet aux sons qui s’enchevêtrent ou se brouillent, d’émerger, de réapparaître et de fusionner. 
Durieux conçoit sa pièce comme une continuation de Devenir (1993) où il associait les sons live d’une clarinette solo à ceux samplés et préenregistrés. Le mélange de la « lutherie traditionnelle » avec les sons de l’ensemble amplifié et transformé acoustiquement et l’appareillage électronique ouvre la porte à des assemblages complémentaires ou diffus. Tous ces tanins sonores s’allient dans une « polyphonie de structures et de timbres, où l’électronique et l’acoustique se déclinent selon leurs propres critères et qualités intrinsèques. »
Texte : Christophe Bitar